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Vietnam: Deux nouveaux blogueurs arrêtés pour avoir abusé de « la liberté démocratique »
Jeudi 11 décembre, l’association américaine Human Rights Watch (HRW) a publié un communiqué débutant par cette injonction : « Le Vietnam doit cesser d’utiliser des articles de lois grotesques pour emprisonner les personnes qui critiquent le pouvoir. »

 

L’intervention de l’association américaine a été provoquée par l’arrestation de deux blogueurs renommés, Nguyên Quang Lâp et Hông Lê Tho, tous deux accusés d’avoir abusé de « la liberté démocratique » et porté atteinte aux intérêts nationaux. Il s’agit là de deux crimes sanctionnés par l’article 258 du Code pénal. Le communiqué demande que les deux journalistes indépendants dont le seul tort est de s’être exprimé d’une manière critique, soient immédiatement remis en liberté.

Nguyên Quang Lâp a été arrêté le 6 décembre dernier. Hông Lê Tho avait été appréhendé quelques jours plus tôt, le 29 novembre, à Hô Chi Minh-Ville. C’est à partir de l’année 2004 que les autorités vietnamiennes ont commencée à utiliser l’article 258 pour réprimer les délits d’expression. Depuis cette date, cette disposition du Code pénal a été utilisée pour arrêter et condamner au moins dix militants des droits de l’homme et quatre blogueurs. L’association américaine qualifie de « monstrueuse » cette pénalisation de la liberté démocratique. Elle est d’autant plus absurde qu’elle émane d’un pouvoir antidémocratique et non respectueux des libertés individuelles, poursuit HRW.

Nguyên Quang Lâp , âgé de 58 ans, tenait régulièrement un blog intitulé Quê Choa. Celui-ci était renommé et suivi par de nombreux lecteurs. Nguyên Quang Lâp est aussi un écrivain bien connu. Après sa sortie de l’Ecole polytechnique, il avait mené une courte carrière militaire de cinq ans au début des années 1980, avant de choisir de se consacrer à l’écriture. Il devint adjoint du rédacteur en chef d’une revue intitulée Cua Viet (‘Portes du Vietnam’), dont l’existence fut éphémère ; le gouvernement en interdit sa publication au bout de dix-sept numéros. Dans les années 1990, Nguyên Quang Lâp s’installa à Hanoi et écrivit des textes littéraires qu’il fit paraître dans diverses revues culturelles de la capitale. Les pièces de théâtre et les scénarios de films écrits par lui rencontrèrent un grand succès et furent récompensés par des prix littéraires. Il a également écrit un roman et de nombreuses nouvelles. En 2001, un accident de voiture le laissa paralysé d’un bras et d’une jambe.

Ce n’est qu’en 2007 qu’il entama son blog Quê Choa. Celui-ci attira très rapidement l’attention de nombreux lecteurs dans le pays et dans la diaspora. En 2013, le gestionnaire du site où était hébergé le blog lui enjoignit de ne pas aborder de questions classées « sensibles » et d’éviter les critiques subversives. L’auteur refusa et chercha refuge pour son blog dans plusieurs sites locaux afin de le faire publier à l’étranger. Malgré les attaques lancées contre Quê Choa, les lecteurs n’ont pas cessé d’affluer. Au mois de juin 2014, plus de 100 millions d’internautes avaient visité le blog. Les menaces se multiplièrent alors sans entamer sa volonté de garder son indépendance. Il écrit alors : « Depuis toujours, je ne suis soumis à personne et je ne m’oppose à personne, comme c’est le devoir de tout écrivain. Je ne fais que conduire ma petite barque, le bateau de la vérité vers le peuple… »

Le premier blogueur arrêté Hông Lê Tho (65 ans) était le responsable d’un bloc appelé Lot Gach, également renommé. Dans les années 1960, pendant la seconde guerre du Vietnam, il était étudiant au Japon et militait dans le mouvement pacifiste, La Troisième force. Après le changement de régime de 1975, pendant quatre ans, il travailla l’ambassade du Vietnam au Japon et revint dans son pays. En 2011, il ouvrit son propre blog avec l’intention de publier des textes recueillis dans diverses revues, concernant des questions politiques et sociales. Il fit ainsi connaître au public de nombreux articles traitant de la souveraineté du Vietnam sur les archipels de Spratley et Paracel.

Le récent communiqué de Human Rights Watch conclut en faisant remarquer que le Vietnam est, depuis cette année, membre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Pourtant, le
gouvernement ce pays continue d’utiliser l’article 258 du Code pénal pour faire taire la voix des journalistes indépendants en dépit engagements pris devant les Nations Unies à cet égard (1). (eda/jm)

(Source: Eglises d'Asie, le 12 décembre 2014)