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L'archevêque majeur de Kiev a rendu compte, lors d'une conférence au Collège pontifical ukrainien St Josaphat, de l'avancement des travaux du Synode de l'Église gréco-catholique ukrainienne, qui vient de s’achever à Rome. Les participants ont rencontré le Pape, le cardinal Parolin et d'autres membres de la Curie romaine. «Le Saint-Père nous a dit qu'il était avec nous. Nous devons bien transmettre son message».

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

Leur assemblée fut l’occasion d’un dialogue pour présenter au Pape les «plaies saignantes» du peuple ukrainien, à commencer par l'hémorragie de près de 5 millions de personnes fuyant vers d'autres pays. Ce fut l’occasion d'entendre à Rome la voix des évêques des communautés ukrainiennes à l'étranger ou des pasteurs des territoires attaqués comme Karkhiv, Odessa, Donetsk, de ceux qui sont aujourd'hui exilés à Zaporijjia. Leur venue leur a également permis de partager quelques doutes et d'aplanir les malentendus avec François. Lors de ces dix jours d’échanges - un «synode de l’espoir» selon l’expression de l'archevêque majeur de Kiev-Halyč, Sviatoslav Chevtchouk - les quelque 45 évêques ukrainiens ont eu une audience privée avec le Pape François et ont écouté les rapports du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Saint-Siège, et du cardinal Matteo Zuppi, envoyé spécial du Pape pour une mission visant à «apaiser les tensions» en Ukraine.

La mission du cardinal Zuppi 

Lors de la conférence de presse de présentation des travaux du Synode de l'Église gréco-catholique ukrainienne, Mgr Chevtchouk s’est attardé sur cette mission qui a conduit le cardinal italien en Ukraine, à Moscou, Washington, et maintenant Pékin. Il y voit «un signe clair» de l’intérêt du Pape. «François, explique-t-il, ne se résigne pas à la guerre. Le Saint-Siège et le Saint-Père ne sont pas indifférents à ce qui se passe dans notre pays. Tout ce qui est possible est mis en œuvre pour mettre fin à cette guerre insensée que certains ont qualifiée de "déicide"». Il y a eu et il y a encore plusieurs contacts avec le cardinal Zuppi. «La visite à Kiev a été très importante. Tout ce que nous lui avons confié, il l'a transmis à Moscou, en particulier la question des enfants. Nous lui avons remis une liste de nombreux civils ukrainiens, kidnappés, torturés, disparus à cause de l'agression russe. Aujourd'hui, il existe un mécanisme d'échange pour les prisonniers de guerre, mais pas de mécanisme pour libérer les civils... L'enlèvement d'un civil est contraire au droit humanitaire international, c'est un crime !»

 

Le Pape et les participants au synode de l'Eglise gréco-catholique ukrainienne, notamment l'archevêque majeur de Kiev.

Des civils enlevés et torturés

«Des milliers de civils ukrainiens sont enlevés et torturés», s'est exclamé Mgr Chevtchouk qui a évoqué, à nouveau, le sort des deux rédemptoristes, le père Ivan Levytsky et le père Bohdan Geleta, enlevés en novembre 2022 et dont «nous avons perdu la trace». «Nous avons mis le problème entre les mains du cardinal Zuppi et il nous a dit qu'il l'avait porté à l'attention de la Russie». Ce sont donc de «grands espoirs» que l'Eglise gréco-catholique ukrainienne place dans la mission du président de la Conférence épiscopale italienne: «Nous l'accompagnons de nos prières. La mission est importante, nous savons que la Chine est un grand acteur géopolitique, désireux d'œuvrer pour la paix. Il serait intéressant de connaître la proposition de paix chinoise pour l'Ukraine...»

Une paix juste et sûre 

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07/09/2023

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La «paix» est un mot qui, selon Mgr Chevtchouk, a changé de sens au fil du temps. Il a souvent été «mutilé» et «déconsacré». La paix à laquelle aspirent les Ukrainiens est celle dont Zuppi lui-même a parlé récemment lors de la rencontre de Sant'Egidio à Berlin, «une paix juste et sûre». C'est-à-dire, a expliqué le prélat, «une paix qui respecte certains principes moraux et les lois internationales. Si un accord de paix va à l'encontre de la loi, c'est un crime». Les fameux dix points du programme du gouvernement ukrainien, présentés par le président Zelensky, «ne sont rien d'autre que dix atteintes au droit international, dix crises provoquées par l'agression russe: de la remise en cause de la sécurité de l'Etat à la crise écologique, avec la destruction du barrage (ndlr de Kakhovka) qui a été un écocide». C'est en gravissant ces «dix marches» que l'on peut parvenir à une «paix juste» et aussi à une paix «sûre», celle qui dure dans le temps. Sinon, «ce n'est qu'une trêve».

Deux heures de dialogue avec le Pape

Leur espoir de paix est revenu à plusieurs reprises au cours des travaux du synode, mais aussi lors des différentes rencontres avec les représentants de la Curie romaine. Des rencontres que l’archevêque majeur de Kiev a qualifiées de fructueuses. Elles sont «très importantes et vitales», comme celle avec le Pape. Leur échange est intervenu après la controverse d'il y a quinze jours sur des propos - déjà clarifiés par François lui-même dans l'avion en provenance de Mongolie - lors d’une rencontre avec un groupe de jeunes Russes. Mgr Chevtchouk lui-même était intervenu, demandant une clarification. «Avec le Pape, ce furent deux heures de dialogue fraternel, sincère, ouvert, authentique. Il a anticipé la rencontre d'une heure pour permettre aux évêques de parler, de s'exprimer, de parler au cœur du Père. Nous avons parlé de nombreuses douleurs et il a dit : vous avez une autre douleur, vous doutez peut-être de qui est le Pape, mais je vous assure que je suis avec vous... Ces paroles ont été un message de consolation. Nous devons maintenant convaincre les gens de ce message, nous devons bien le communiquer».

Les interprêtes de la sollicitude du Saint-Père

Pour le chef de l'Église gréco-catholique ukrainienne, transmettre les véritables messages du Pape est un véritable «défi» car, en partie à cause d'interprétations erronées et d'informations utilisées comme des «armes» pour défendre des «idéologies», l'image du Souverain pontife a radicalement changé au sein du public ukrainien ces derniers mois. Mgr Chevtchouk a cité des sondages et des pourcentages montrant une forte baisse de la confiance que la population ukrainienne a dans le Pape, «considéré avant l'invasion russe comme le chef religieux le plus respecté, plus encore que n'importe quel chef orthodoxe».

Cette question a également été abordée lors des rencontres avec les représentants des dicastères. «Au Pape et à ses collaborateurs, nous avons montré la pleine disponibilité de tous les catholiques à être à ses côtés, prêts à communiquer les intentions authentiques du Saint-Père et à être les interprètes de sa sollicitude paternelle pour notre peuple», affirme le prélat.

Lors de la conférence de presse.

Déclarations du conseiller du président Zelenski

Concrètement, il s'agit d'établir une stratégie de communication qui garantisse une «vision objective des événements» et qui écarte la propagande ou les «opinions privées» qui, au contraire, trouvent un large écho auprès du public, comme celles exprimées récemment par Mychajlo Podoljak. Le conseiller du président Volodymyr Zelensky, dans une interview, a critiqué le Pape François, excluant tout éventuel «rôle de médiateur» de sa part, le jugeant «pro-russe et non crédible».

«Nous avons eu l'occasion de parler avec les ambassadeurs d'Ukraine auprès du Saint-Siège et de l'Italie, nous avons demandé si le conseiller du président exprimait son opinion personnelle ou la position du gouvernement ukrainien. La réponse a été qu'il s'agissait d'une opinion privée», a déclaré Mgr Chevtchouk. «Je ne suis pas sûr, a-t-il souligné, que le gouvernement ukrainien ait fermé toutes les portes au Saint-Siège, non seulement pour collaborer au bien du pays, mais aussi pour rechercher ensemble comment parvenir à la de paix, objectif de la mission du cardinal Zuppi. En Ukraine, nous ne devons pas mépriser nos amis, mais en chercher, car sans le soutien global de la société internationale, l'Ukraine ne résistera pas».

La communion entre catholiques

De même, il est essentiel de préserver la «communion catholique universelle» à un moment où la guerre a provoqué de profonds clivages, notamment au sein de l'Église orthodoxe. La communion «est la force de survie de notre peuple», a déclaré l’archevêque majeur. Si la crise provoquée par le conflit «n'a pas dégénéré en tragédie humanitaire», c'est précisément grâce au réseau de solidarité. «En Ukraine, personne n'est mort de faim, de froid ou d'autres causes humanitaires là où la charité catholique a pu arriver. Nous rentrons chez nous confirmés dans la foi catholique, grandis dans la communion avec le Successeur de Pierre et avec une grande espérance: c'est le Seigneur qui nous aidera à relever nos défis pastoraux en Ukraine et dans le monde», a déclaré Mgr Chevtchouk.

Une «pastorale du traumatisme»

En formulant une nouvelle approche pastorale, «une pastorale du traumatisme», le chef de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne souligne qu’«En Ukraine, le traumatisme de la guerre s'accroît. Nous réalisons que l'existence de notre pays ne dépend pas seulement des armes envoyées pour arrêter l'agresseur, mais aussi de la capacité à gérer le traumatisme». «Nous sommes tous blessés», a déclaré le prélat, «et nous avons réalisé que nous tous, prêtres, évêques, moines, devons apprendre une nouvelle façon d'accompagner le peuple».

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