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Jean-Paul Ier sera béatifié ce dimanche 4 septembre par le Pape François. Le dernier Pontife italien, dont le pontificat éclair ne lui a pas laissé le temps de mener de grandes œuvres, a néanmoins donné un témoignage marquant pour les chrétiens de son temps et ceux d’aujourd’hui. Christophe Henning, journaliste et auteur d’une biographie de Jean-Paul Ier, nous en parle.

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

«Hier matin je me suis rendu à la Sixtine pour voter tranquillement. Jamais je n'aurai soupçonné ce qui allait arriver. À peine le danger s'est-il annoncé pour moi, que les deux collègues, mes voisins, m'ont murmuré des paroles de réconfort. L'un d'eux m'a dit: "Courage ! si le Seigneur charge d'un poids, il donne aussi l'aide pour le porter". L'autre a poursuivi: "N'ayez pas peur, dans le monde entier il y a tant de personnes qui prient pour le nouveau Pape". Le moment venu, j'ai accepté». Le récit que Jean-Paul Ier donne de son élection, au lendemain de celle-ci, lors de l’angélus du 27 août 1978, laisse déjà paraître quelques traits du caractère du nouveau Pape: timidité, franchise, confiance et dévouement. Sans doute lui viennent-ils de son origine, enracinée dans une famille modeste de la province de Belluno, région montagneuse d’Italie du Nord.

Albino Luciani enfant

Né Albino Luciani, l’ancien évêque de Vittorio Veneto et patriarche de Venise succède sans l’avoir recherché au Pape Paul VI, resté quinze ans sur le trône de Pierre. Il ne s’y installera que pour 33 jours. Pas de quoi concrétiser les grandes lignes de son pontificat annoncées avec ses talents d’orateur dans son premier radiomessage urbi et orbi, ce même 27 août. Six souhaits, énoncés par la formule «Nous voulons», mettant au premier plan l’approfondissement du Concile Vatican II, le service des pauvres, l’évangélisation, l’œcuménisme, le dialogue avec le monde et l’engagement pour la paix. Ses successeurs les reprendront pour les mettre en œuvre. Jean-Paul Iᵉʳ a donc amorcé un virage, et en cela «son bref pontificat d’apôtre du Concile n’a pas été une parenthèse», a déclaré le 25 août 2016 le cardinal Pietro Parolin, inaugurant le musée Jean-Paul Iᵉʳ à Canale d’Agordo, son village natal.

Les rumeurs et autres élucubrations concernant la mort soudaine du dernier Pontife italien, emporté par un infarctus, ont «phagocyté la cohérence et le magistère de cet homme et de ce Pape pendant tant d'années», a regretté ce vendredi 2 septembre Stefania Falasca, journaliste et vice-postulatrice de la cause de Jean-Paul Ier, lors d’une conférence de presse en Salle de Presse du Saint-Siège à propos de la béatification.

Mais la messe qui sera célébrée dimanche à 10h30 Place Saint-Pierre par le Pape François, sera sans doute l’occasion de découvrir ou de se replonger dans le message du «Pape au sourire», riche d’enseignements pour tous les chrétiens. Christophe Henning, journaliste au quotidien La Croix et auteur d'une Petite vie de Jean-Paul Ier (éd. Artège), nous en donne les grandes lignes. 

Entretien avec Christophe Henning

Jean-Paul Iᵉʳ est véritablement le premier Pape après le Concile Vatican II, puisque Paul VI en a été l'artisan, il a repris le chantier ouvert par Jean XXIII, et Jean-Paul Iᵉʳ était véritablement celui qui allait pouvoir concrétiser cette grande avancée que représentait le Concile Vatican II. Il était pour cela presque lui aussi un artisan de ce concile, puisqu'il avait pu suivre tous les travaux avec beaucoup d'attention. C'était une de ses marques particulières. On l’a noté dans les courriers qu'il envoyait à ses paroisses quand il était évêque, on notait cette grande attention aux questions et sans chercher à donner trop vite les réponses. Il était vraiment un homme de dialogue.

Pendant son pontificat, de quel soutien disposait il au Vatican et a-t-il rencontré des oppositions?

Jean-Paul Iᵉʳ n'est pas un homme de l'appareil du Vatican, c'est vraiment un pasteur. C'est cela qui a sans doute favorisé son élection, c'est que c'est véritablement un homme de terrain, qui était évêque en Vénétie, puis après Patriarche de Venise. C'était un homme très concret, très simple, qui sans doute a donné l'impression, lors du conclave qui l'a élu, qu'il allait pouvoir être un peu celui qui allait fédérer ou en tout cas apporter un certain consensus entre les tensions qui pouvait exister puisque forcément, après Paul VI, il y avait des cardinaux prêts à poursuivre le travail de Vatican II et d'autres qui étaient un peu réticents.

Il faut bien se rappeler de cette ambiance des années 1970, certains disant «on est allé trop loin, il faut préserver des choses qu'on a pu perdre au cours des débats et au cours des décisions de Vatican II». Donc c'était un homme de consensus, ce qui l'a sans doute poussé à devenir Pape. En tout cas, ce n'est pas quelqu'un qui était dans le conflit ou dans la provocation. D'ailleurs, il ne s'attendait pas du tout à être élu.

La foule Place Saint-Pierre le 26 août 1978, jour de l'élection de Jean-Paul Ier

Derrière ce sourire bien connu de Jean-Paul Iʳ, quelles étaient ses forces?

La force de Jean-Paul Iᵉʳ, c'était cette capacité d'écoute et aussi cette simplicité qui se traduit par ce sourire, ce sourire d'un Pape qui, d'une certaine manière, préfigure déjà certaines attitudes du Pape François: sa manière d'être proche des gens, de ne pas trop se préoccuper du protocole… Par exemple, le soir même de son élection, il se retrouve à dîner avec les autres cardinaux. Le lendemain matin, il est là aussi à prendre son petit déjeuner avec les autres cardinaux.

On voit bien comment le Pape François a pu reprendre certaines attitudes de ce Pape au sourire qui est aussi le Pape de la simplicité. Le Pape de l'écoute aussi, puisqu’en ces 33 jours qui se sont écoulés très vite, il a beaucoup reçu de monde, beaucoup écouté, beaucoup rencontré, bien sûr les autorités, mais aussi lesfidèles tout simplement, puisqu’il s'était même permis de sortir du Vatican dans la rue, simplement pour discuter avec les fidèles à la sortie de la messe.

Vatican News