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En communion avec le pape et reconnus par le gouvernement

Le pape François a eu la voix brisée par l’émotion quand il a salué les deux évêques chinois présents, Place Saint-Pierre, au début de son homélie pour la messe d’ouverture du synode sur les jeunes, la foi et le discernement des vocations, ce mercredi 3 octobre 2018, en présence d’évêques du monde entier et de délégués d’autres confessions chrétiennes.

La Chine populaire compterait environ 10 millions de catholiques: l’enjeu du synode c’est la pastorale des jeunes aussi dans cette grande Nation. Les travaux débutent à 16h30.

Emotion du pape François

Le pape a dû s’arrêter, saisi par l’émotion, lorsqu’il a dit, en italien, dans son homélie: « Aujourd’hui, pour la première fois, sont aussi ici avec nous deux confrères évêques de la Chine continentale. Nous leur exprimons notre chaleureuse bienvenue ». La foule a répondu par des applaudissements nourris.

« La communion de l’Episcopat tout entier avec le Successeur de Pierre est encore plus visible grâce à leur présence », a poursuivi le pape.

On peut imaginer aussi l’émotion des deux évêques célébrant la messe pour la première fois Place Saint-Pierre avec le pape et entourés de 265 autres évêques, patriarches et cardinaux du monde entier.

Est également présent au synode un évêque de République de Chine (Taiwan), Mgr Thomas Chung An-Zu, évêque de Kiayi, et comme auditrice, Soeur Chaoying Teresina Cheng, Soeur de la Mère du Seigneur de Daming-Hebei, étudiante en théologie au Collège missionnaire Mater Ecclesiae de Castel Gandolfo.

La première intention de la « prière universelle » a été prononcée en chinois. L’assemblée a intercédé pour le pape et les évêques du monde: « Envoie, Père, sur le Saint-Père et ses évêques l’Esprit de sagesse et de discernement: qu’ils cherchent la vérité le coeur ouvert, et qu’en toute chose ils soient obéissants à ta volonté ».

Et avant la célébration, le pape François a salué personnellement, dans la chapelle de la Pietà de la basilique vaticane, un groupe de 30 pèlerins – 15 religieux, 15 laïcs – d’origine chinoise ou vietnamienne et qui venaient aussi aux Philippines ou en Amérique du Nord, présents à Rome à l’occasion du pèlerinage promu par la Congrégation de Saint-Jean-Baptiste. La communauté, qui fête ses 90 ans de mission au service du peuple chinois, a été fondée par le p. Vincent Lebbe (1877-1940), lazariste belge naturalisé chinois. Le supérieur actuel, qui accompagne le pèlerinage, est le p. John Tran.

Congrégation de Saint-Jean-Baptiste © Vatican Media

Congrégation de Saint-Jean-Baptiste © Vatican Media

En communion avec le Successeur de Pierre

Les deux évêques de Chine continentale qui participent au synode sont Mgr Joseph Guo Jincai, 60 ans, de Chengde (Hebei), qui a étudié à Lyon (France), au Prado – et donc parle français – , et Mgr Jean-Baptiste Yang Xiaoting de Yan’an (Shaanxi), 54 ans, qui a étudié à Rome et parle italien. Il a obtenu un doctorat en 1999 à l’Université pontificale urbanienne.

Leur présence est une première depuis l’institution des synodes en 1965. On mesure le chemin de dialogue parcouru quand on se souvient que pour le synode de 1998 sur l’Asie les deux fauteuils d’évêques invités par le pape Jean-Paul II étaient restés vides. C’étaient des évêques de l’Eglise dite « souterraine » : Mgr Matthias Duan Yinming et Mgr Joseph Xu Zhixuan, ancien évêque et évêque de Wanxian. Ces fauteuils vides disaient à la fois le manque de liberté religieuse mais aussi et surtout qu’ils étaient spirituellement présents et que la porte restait ouverte.

Benoît XVI a franchi un grand pas en invitant quatre évêques de Chine continentale pour le synode de 2005 sur l’Eucharistie: deux évêques de l’Eglise “souterraine” et deux évêques de l’Association patriotique. Un signe que la séparation entre les communautés en communion avec le Pape et les communautés faisant partie de l’Association patriotique s’estompaient. Cependant l’invitation est restée sans réponse.

Il s’agissait de Mgr Antoine Li Duan, de Xian, de Mgr Louis Jin Luxian de Shanghai (Association patriotique), et de Mgr Joseph Wei Jingyi, de Qiqihar et Luc Li Jingfeng de Fengxiang.

Ni les uns ni les autres n’ont reçu l’autorisation de venir. Mais les invitations répétées ont certainement préparé la route: vingt ans après l’invitation de Jean-Paul II, 13 ans après celle de Benoît XVI, celle du pape François est acceptée.

Messe d'ouverture du synode 2018 © Vatican Media

Messe d’ouverture du synode 2018 © Vatican Media

Et reconnus par le gouvernement

Les deux évêques chinois appartiennent au clergé enregistré auprès du gouvernement, dans l’Association patriotique, dont l’accord provisoire sino-vatican du 22 septembre 2018 veut promouvoir l’unité avec les autres catholiques de Chine, notamment par l’intégration de sept évêques dans la communion avec le Successeur de Pierre (plus un à titre posthume) et en laissant le pape discerner le choix des évêques.

Mgr Guo a été ordonné évêque sans mandat pontifical le 20 novembre 2010. Il est l’un des sept évêques intégrés par le pape François dans la pleine communion avec le Successeur de Pierre. Il est donc désormais à la fois en communion avec le pape et reconnu par le gouvernement chinois.

Mgr Yang, a été ordonné évêque quelques mois avant lui, le 15 juillet 2010, avec mandat du pape: il était coadjuteur. Il a été le premier prêtre ordonné après la réouverture des séminaires chinois en 1980, indique AsiaNews, après l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping. Il est donc lui aussi à la fois en communion avec le pape François et reconnu par le gouvernement.

Leur participation au synode avait été annoncée par le Secrétaire général du synode, le cardinal Lorenzo Baldisseri, lors de la conférence de presse de présentation du synode, lundi, 1er octobre : « Ils ont été invités par le Pape, comme résultat de l’Accord [du 22 septembre dernier], et l’invitation a été acceptée » : « Ainsi, les évêques vont venir à Rome ».

Messe d'ouverture du synode 2018 © Vatican Media

Messe d’ouverture du synode 2018 © Vatican Media

Ne pas simplifier

Le cardinal Baldisseri a fait observer que « la situation est très complexe » – en somme une invitation à ne pas simplifier  – , et que les deux prélats chinois étaient déjà en route pour Rome, sans préciser où ils seraient logés. Leur arrivée a été confirmée par le Vatican, avec la publication de leurs noms, hier, 2 octobre, vers 17h.

En Chine continentale, parmi les évêques catholiques actuellement en poste (ils étaient 110 selon Eglises d’Asie en mai 2016, 99 alors en exercice), la majorité, une soixantaine, sont reconnus à la fois par le gouvernement chinois et par le Saint-Siège. En effet, parmi les évêques nouvellement comptés au nombre des « officiels », figurent d’ex-« clandestins ».

Le pape François a perçu comme un signe qu’il fallait avancer vers un accord, même provisoire et perfectible, une lettre de soutien qui lui a été adressée, signée à la fois par des évêques « clandestins » et des évêques reconnus par le gouvernement chinois, au lendemain du « communiqué » d’un « ancien-nonce », a-t-il confié à la presse dans l’avion qui le ramenait de Tallinn (Estonie) à Rome, le 25 septembre dernier.

Un autre signe de la complexité de la situation dont parlait le cardinal Baldisseri:  selon le gouvernement, l’Eglise de Chine comptait 97 diocèses en 2016, et l’Eglise, elle, en dénombrait 138.

Enfin, Eglises d’Asie rappelait, en 2016, que parmi les évêques chinois « contraints à se retirer », se trouve l’évêque « clandestin » de Baoding, Mgr Jacques Su Zhimin, 86 ans, détenu depuis 1997.

EDA cite également l’évêque auxiliaire « officiel » de Shanghai, Mgr Thaddée Ma Daqin, en résidence surveillée depuis juillet 2012 et empêché de gouverner son diocèse depuis qu’il a annoncé, à l’issue de son ordination épiscopale, son retrait de l’Association patriotique.

Messe d'ouverture du synode, 3 oct. 2018 @ Vatican News

Messe d’ouverture du synode, 3 oct. 2018 @ Vatican News