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Audience de l’Académie pontificale des sciences

La communauté scientifique est appelée à rendre à l’humanité un « service positif » et à pratiquer la « charité du savoir » : empruntant cette expression à Paul VI, le pape François a aussi invité les scientifiques à « repenser » la relation entre les peuples, la société et la science « afin de promouvoir le progrès intégral de chaque être humain et du bien commun ».

Le pape François a reçu en audience les participants à l’Assemblée plénière de l’Académie pontificale des Sciences ce lundi 12 novembre 2018, dans la Salle du Consistoire du Palais apostolique, en présence du cardinal Lluís Martínez Sistach,  archevêque émérite de Barcelone (Espagne), et de Mgr Marcelo Sanchez Sorondo, chancelier de l’Académie.

L’assemblée, réunie à la Casina Pio IV, du 12 au 14 novembre, a pour thème : Les rôles de transformation de la science dans la société : De la science émergente aux solutions pour le bien-être des personnes.

Il les a en particulier exhortés à apporter leur collaboration sur le terrain des changements climatiques et du désarmement nucléaire, ainsi qu’en faveur des droits humains.

Le pape François a par ailleurs déploré le manque de « volonté » et de « détermination politique » pour « arrêter la course aux armement et mettre fin aux guerres, pour passer d’urgence aux énergies renouvelables, aux programmes destinés à assurer l’eau, la nourriture et la santé pour tous, à investir pour le bien commun les énormes capitaux qui restent inactifs dans les paradis fiscaux ».

Voici notre traduction du discours prononcé par le pape François en italien.

HG

Académie pontificale des Sciences © Vatican Media

Académie pontificale des Sciences © Vatican Media

Discours du pape François

Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi une joie de retrouver l’Académie pontificale des Sciences au complet. Je souhaite chaleureusement la bienvenue aux nouveaux académiciens et tout en remerciant l’ancien président, le professeur Werner Arber, pour ses aimables paroles, je formule des vœux de prompt rétablissement à l’attention du président Joachim von Braun. Ma reconnaissance s’étend à toutes les personnalités qui sont intervenues et qui ont ainsi apporté leur précieuse contribution.

Le monde de la science qui, dans le passé, a adopté des positions d’autonomie et d’autosuffisance, avec des attitudes de méfiance à l’égard des valeurs spirituelles et religieuses, semble aujourd’hui, en revanche, avoir pris davantage conscience de la réalité de plus en plus complexe du monde et de l’être humain. Une certaine insécurité et une sorte de crainte sont apparues, devant l’évolution possible d’une science et d’une technologie qui, si elles sont abandonnées sans contrôle à elles-mêmes, peuvent tourner le dos au bien des personnes et des peuples. C’est vrai, la science et la technologie influent sur la société mais les peuples aussi, avec leurs valeurs et leurs coutumes, influencent la science à leur tour. Souvent la direction et l’emphase qui sont données à certains développements de la recherche scientifique sont influencées par des opinions largement partagées et par le désir de bonheur inhérent à la nature humaine.

Toutefois, nous avons besoin de porter davantage d’attention aux valeurs et aux biens fondamentaux qui sont à la base de la relation entre les peuples, la société et la science. Cette relation exige d’être repensée, afin de promouvoir le progrès intégral de chaque être humain et du bien commun. Un dialogue ouvert et un discernement attentif sont indispensables, surtout quand la science devient plus complexe et que l’horizon qu’elle dévoile fait émerger des défis décisifs pour l’avenir de l’humanité. Aujourd’hui, en effet, l’évolution sociale comme les changements scientifiques se produisent toujours plus rapidement et se suivent. Il est important que l’Académie pontificale des Sciences considère comment ces changements interconnectés entre eux requièrent un engagement sage et responsable de la part de toute la communauté scientifique. La belle sécurité des tours d’ivoire des premiers temps modernes a fait place, chez beaucoup, à une salutaire inquiétude, raison pour laquelle le scientifique d’aujourd’hui s’ouvre plus facilement aux valeurs religieuses et entrevoit, au-delà des acquisitions de la science, la richesse du monde spirituel des peuples et la lumière de la transcendance divine. La communauté scientifique fait partie de la société et ne doit pas se considérer comme séparée et indépendante ; au contraire, elle est appelée à servir la famille humaine et son développement intégral.

Les fruits possibles de cette mission de service sont innombrables ; en ce siège, je voudrais en mentionner quelques-uns. Avant tout, il y a l’immense crise des changements climatiques actuels et la menace nucléaire. Sur les pas de mes prédécesseurs, je réaffirme l’importance fondamentale de s’engager en faveur d’un monde sans armes nucléaires (cf. Message à la Conférence de l’ONU pour négocier un traité sur l’interdiction des armes nucléaires, 23 mars 2017) et je demande – comme l’ont fait saint Paul VI et saint Jean-Paul II – aux scientifiques une active collaboration afin de convaincre les gouvernants du caractère éthique inacceptable de cet armement à cause des dommages irréparables qu’il cause à l’humanité et à la planète. C’est pourquoi, je répète également la nécessité d’un désarmement dont il semble que l’on ne parle plus aujourd’hui aux tables autour desquelles se prennent les grandes décisions. Puissé-je moi aussi, comme le fit saint Jean-Paul II dans son testament, remercier Dieu parce que pendant mon pontificat la tragédie effroyable d’une guerre atomique a été épargnée au monde.

Les changements mondiaux sont de plus en plus influencés par les actions humaines. Ces pourquoi il faut aussi des réponses adéquates pour la protection de la santé de la planète et des populations, une santé mise en danger par toutes les activités humaines qui utilisent des combustibles fossiles et qui déboisent la planète (Lett. enc. Laudato si’, 23). La communauté scientifique, de même qu’elle a fait des progrès dans l’identification de ces risques, est appelée aujourd’hui à envisager des solutions valables et à convaincre les sociétés et leurs responsables de les mettre en œuvre.

Dans cette perspective, je sais que, dans vos séances vous identifiez les connaissances qui émergent de la science de base et que vous êtes habitués à les mettre en lien avec des visions stratégiques qui tendent à étudier à fond les problèmes. C’est votre vocation d’identifier les développements innovateurs dans toutes les principales disciplines de la science de base et de reconnaître les frontières entre les différents secteurs scientifiques, en particulier en physique, astronomie, biologie, génétique et chimie. Cela fait partie du service que vous rendez à l’humanité.

J’accueille favorablement le fait que l’Académie se concentre aussi sur les nouvelles connaissances nécessaires pour affronter les plaies de la société contemporaine. Les peuples demandent à juste titre de participer à la construction de leurs sociétés. Les droits humains proclamés doivent devenir une réalité pour tous et la science peut contribuer de manière décisive à ce processus et à faire tomber les barrières qui lui font obstacle. Je remercie l’Académie des Sciences pour sa précieuse collaboration à la lutte contre ce crime contre l’humanité qu’est la traite des personnes en vue du travail forcé, de la prostitution et du trafic d’organes. Je vous accompagne dans cette bataille d’humanité.

Il reste encore beaucoup de chemin à faire vers un développement qui soit à la fois intégral et durable. L’objectif de surmonter la faim et la soif, le taux élevé de la mortalité et de la pauvreté, surtout parmi les huit-cents millions de personnes démunies et exclues de la terre, ne sera pas atteint sans un changement dans les styles de vie. Dans l’encyclique Laudato si’, j’ai présenté quelques propositions-clés pour atteindre ce but. Toutefois, il me semble que je peux dire que la volonté et la détermination politique manquent pour arrêter la course aux armement et mettre fin aux guerres, pour passer d’urgence aux énergies renouvelables, aux programmes destinés à assurer l’eau, la nourriture et la santé pour tous, à investir pour le bien commun les énormes capitaux qui restent inactifs dans les paradis fiscaux.

L’Église n’attend pas de la science qu’elle suive uniquement les principes de l’étique, qui sont un patrimoine inestimable du genre humain. Elle attend un service positif, que nous pouvons appeler avec saint Paul VI la « charité du savoir ». C’est à vous, chers scientifiques et amis de la science, que sont confiées les clés du savoir. Je voudrais me faire auprès de vous l’avocat des peuples auxquels n’arrivent que de loin et rarement les bénéfices du vaste savoir humain et de ses conquêtes, spécialement en matière d’alimentation, de santé, d’éducation, de connectivité, de bien-être et de paix. Permettez-moi de vous dire en leur nom : puisse votre recherche servir à tous, afin que les peuples de la terre soit par elle rassasiés, désaltérés, soignés et formés ; puissent la politique et l’économie des peuples y puiser des indications pour avancer avec davantage de certitude vers le bien commun, surtout au bénéfice des pauvres et des personnes démunies, et vers le respect de la planète. C’est l’immense panorama qui s’ouvre aux hommes et aux femmes de science lorsqu’ils se penchent sur les attentes des peuples : des attentes animées d’une confiante espérance mais aussi d’inquiétude et d’anxiété.

Je vous bénis tous, je bénis votre travail et vos initiatives. Je vous remercie beaucoup pour ce que vous faites. Je vous accompagne par ma prière ; et vous aussi, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

Académie pontificale des Sciences © Vatican Media

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