Devant une assemblée de responsables religieux représentant la diversité des religions au Sri Lanka, le pape François a affirmé que l’efficacité de la rencontre et du dialogue interreligieux passait par « une présentation complète et sincère » des convictions respectives de chacun. C’est à cette condition, a-t-il ajouté, que « nous serons capables de voir plus clairement tout ce que nous avons en commun », ouvrant ainsi la voie à « une estime mutuelle, une coopération et, certainement, une amitié ».
Mardi soir, premier jour de sa visite apostolique au Sri Lanka, c’est au centre de conférence Bandaranaike, à Colombo, que le pape a rencontré plusieurs centaines de représentants des différentes religions présentes dans le pays. Avant de prendre la parole devant cette assemblée, il a entendu les mots de bienvenue, de salutation et de prière des dignitaires bouddhistes, hindous, musulmans et anglicans.
A l’issue de la prière de bénédiction qu’il a prononcée, le représentant hindou, membre d’une religion présente uniquement au sein de la minorité ethnique des Tamouls, a passé sur les épaules du Saint-Père une large écharpe, signe de paix et de bienvenue. Le maulavi musulman, M. F. M. Fazil, secrétaire du All Ceylon Jamiyyathul Ulama, a prononcé une très ferme condamnation du terrorisme commis au nom de l’islam, dénonçant les attentats commis à Paris le 7 janvier et le massacre du 16 décembre dernier perpétré dans une école militaire de Peshawar, au Pakistan.
« L’islam, a-t-il dit, n’a pas de relation avec de telles pratiques et ces conduites diaboliques. » Quant au moine bouddhiste Vigithasiri Niyangoda Thero, représentant de la religion majoritaire dans le pays, il a lancé un appel à construire la paix au Sri Lanka et dans le monde.
Dans son allocution, le Saint-Père a inscrit son voyage dans les traces de ses prédécesseurs Paul VI (en visite au Sri Lanka en 1970) et Jean-Paul II (en visite en 1995), citant Nostra Ætate, la déclaration sur les relations de l’Eglise catholique avec les religions non chrétiennes du Concile Vatican II. L’Eglise « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions ; elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines », a-t-il rappelé, affirmant à ses hôtes faire sien « le respect de l’Eglise pour [eux], pour [leurs] traditions et [leurs] croyances ».
Ce faisant, le pape a évité d’entrer dans la polémique qui avait éclaté en 1994, après la publication du livre de Jean-Paul II Entrez dans l'espérance !. Jean-Paul II écrivait que « la tradition bouddhique et les méthodes qui en découlent possèdent une sotériologie presque entièrement négative » ou bien encore que « les doctrines du salut dans le bouddhisme et le christianisme étaient opposées ». Au Sri Lanka, des moines bouddhistes avaient vivement critiqué le pape et l’Eglise, même si certains avaient défendu le droit du chef de l’Eglise catholique à exposer la doctrine chrétienne.
Sur le fond, le pape François, qui inscrit son pontificat et ses voyages apostoliques dans une démarche résolument missionnaire, a néanmoins affirmé que, si l’Eglise abordait la coopération avec les autres religions dans « un esprit de respect », l’expérience montrait que le dialogue et la rencontre interreligieuses, pour être « efficaces », devaient « se fonder sur une présentation complète et sincère » des convictions respectives des uns et des autres.
C’est à cette condition, a-t-il poursuivi, qu’« un tel dialogue fera ressortir combien nos croyances, traditions et pratiques sont différentes », préalable nécessaire pour accéder à une claire vision de « tout ce que nous avons en commun ». C’est alors, a-t-il ajouté, que « de nouvelles routes s’ouvriront pour une estime mutuelle, une coopération et, certainement, une amitié ».
Revenant ensuite au contexte sri-lankais, le pape a repris un thème déjà développé le matin même, lors de son discours prononcé à l’aéroport de Colombo, celui de l’unité et de la guérison. « Ce qui est nécessaire aujourd’hui [au Sri Lanka], c’est la guérison et l’unité, et non de nouveaux conflits et de nouvelles divisions. »
Le Saint-Père n’a fait aucune allusion aux violences exercées ces derniers temps par des moines bouddhistes radicaux contre des communautés musulmanes et chrétiennes, mais il a appelé chacun à la clarté. « Nous devons êtres clairs et sans équivoque lorsque nous mettons nos communautés au défi de vivre pleinement les commandements de paix et de la coexistence, qui se trouvent en chacune des religions, ainsi que lorsque nous dénonçons les actes de violence qui sont commis », a conclu le pape.
Organisée par Mgr Cletus Perera, évêque catholique de Ratnapura, la rencontre interreligieuse du Centre Bandaranaike a pris place au soir de ce premier jour de la visite papale. En matinée, retardé par une foule très nombreuse et chaleureuse massée sur les trente kilomètres de route qui séparent l’aéroport du centre-ville, le pape avait renoncé à se rendre auprès des évêques catholiques ; une rencontre était prévue à l’archevêché de Colombo. Il a en revanche maintenu l’entrevue officielle avec le président Sirisena, à Temple Trees, résidence officielle de la présidence de la République.
Avec près de 21 millions d’habitants, le Sri Lanka compte 70 % de bouddhistes (au sein de la composante cinghalaise de la population), 13 % d’hindous (parmi les Tamouls), 10 % de musulmans (considérés comme à la fois comme une ethnie et une religion) et 7 % de chrétiens (6 % de catholiques et 1 % de chrétiens d’autres confessions). (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 13 janvier 2015)