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ROME, 24 avril 2015 (Zenit.org) - Il faut "apprendre à goûter la bonne saveur de l’unité", confie à Zenit le recteur du Collège pontifical arménien de Rome à l’occasion du centième anniversaire du déclenchement du génocide et après la célébration à Saint-Pierre, autour du pape François, le 12 avril.

Il y a un siècle exactement en effet ce vendredi 24 avril 2015, 600 notables arméniens étaient assassinés sur ordre du gouvernement de la Turquie ottomane: c’était, le samedi 24 avril 1915, à Constantinople, capitale de l'empire, le tragique début du “Grand Mal”, le “premier génocide du XXe siècle” comme l’appelé le pape Jean-Paul II, des paroles citées par le pape François.

Ce génocide a fait entre 1,2 à 1,5 million de victimes dans la population arménienne de l'empire turc – les deux tiers des  Arméniens de l’empire - , ainsi que plus de 250.000 dans la minorité assyro-chaldéenne des provinces orientales et 350.000 chez les Pontiques, orthodoxes hellénophones de la province du Pont.

En ce jour de mémoire, le recteur du Collège pontifical arménien de Rome, Mgr Georges Noradounguian Dankaye revient, pour Zenit, sur les récentes comémorations qui ont rassemblé au Vatican les patriarches arméniens, à Saint-Pierre, pour la proclamation de saint Grégoire de Narek comme docteur de l’Eglise.

Zenit - Le Collège pontifical arménien organise-t-il des événements particuliers à l’occasion de ce centenaire?

Mgr Georges Noradounguian Dankaye - Comme chaque année, le 24 avril, on célèbre la Sainte messe avec une méditation appropriée pour l’occasion. A cette messe participent tous les Arméniens de Rome et leurs amis.

L’année dernière j’ai proposé une réflexion qui avait pour titre: « Je cherche mes frères » - les Turcs -.

Pour cette année j’ai choisi les paroles de N. S. Jésus à la Samaritaine: « Dieu est Vérité et il veut qu’on l’adore en Esprit et Vérité ». C’est justement le cas des martyrs soit du passé soit d’aujourd’hui en Irak, en Syrie, etc.

Durant l’année il y a toujours des activités culturelles, des conférences sur l’histoire, la culture des Arméniens et leurs causes.

Qu'est-ce que la proclamation de saint Grégoire de Narek comme Docteur de l'Eglise apporte au centenaire ?

C’est tout d’abord le centenaire qui a accéléré la cause de la proclamation.

Deuxièmement, c’est un grand don de l’Eglise catholique à l’Eglise arménienne.

C’était l’initiative de l’église Arménienne catholique : la cause de la proclamation a commencé il y a quelques dizaines d'années.

Deux congrès sur saint Grégoire ont été organisés dans cette direction, le premier à Rome, le second au Liban.

Des études approfondies ont été fait avec l’aide de Mgr Levon Zekian et Jean-Pierre Mahé et d’autres grands « arménologues ».

Des traductions de ses œuvres ont été préparées.

Troisièmement, c’est un saint d’il y a 10 siècles. Or, avant le grand schisme (1054), saint Grégoire est le saint de tous les Arméniens, catholiques et apostoliques. Sa proclamation comme docteur de l’Eglise est d’une grande actualité œcuménique.

Puisse, Saint Grégoire dorénavant accélérer l’union de l’Eglise Arménienne, une des unions les plus faciles et imaginables selon des experts en la matière.

Quatrièmement, son Livre des lamentations, ses discours avec Dieu ont une fraîcheur spirituelle actuelle. Les discours avec Dieu sont de plus en plus rare de nos jours.

En trouve en effet des milliers d’études sur Dieu mais ils sont très rares les discours actuels avec Dieu. Donc, cela aidera à rendre aux Arméniens d’abord et à l’Eglise universelle un langage actuel, des prières qui viennent du profond du cœur, avec Dieu.

La célébration au Vatican a vu la participation du patriarche de Cilicie des Arméniens catholiques, Nersès Bedros XIX Tarmouni, de Karékine II, Patriarche suprême et Catholicos de Tous les Arméniens, et d'Aram Ier, Catholicos de la Grande Maison de Cilicie : quel message retenez-vous ?

La souffrance et la mort pour la foi chrétienne est le facteur commun de tous les Arméniens.

Comme Peuple, les Arméniens sont des pionniers en matière démocratique. Entre Arméniens, on ne trouve pas beaucoup de sujets autours desquels se mettre d’accord…

Donc la mémoire du génocide, comme toujours, a réussi à rassembler tous les chef religieux des Arméniens autour de l’autel de saint Pierre et autour de son Successeur, le Pape François.

En doit reconnaître au Patriarche des Arméniens catholiques Nersès Bedros l’idée de cette messe présidé par le Saint-Père en présence aussi du Président de la jeune République arménienne.

Le Message du Pape a consolé les coeurs des Arméniens. Cette image qui est en même temps un message fort passera à l’Histoire: autour du Pape, les trois Catholicos des Eglises Arménienne et le Président de la République, pour apprendre à goûter la bonne saveur de l’unité.

Ce serait un grand péché que de publier des images où il manquerait l’un d’eux.

Aujourd'hui, comment soigner les blessures du peuple arménien ? Quelle route reste-t-il à parcourir ? Dans quel esprit ?

Les blessures seront soignées par la reconnaissance du génocide de la part du monde entier. Ce ne sera pas seulement pour notre bien à nous, les Arméniens, mais cela favorisera le bien commun et nous serons les témoins de l’arrêt des massacres à fond religieux actuels soit contre les chrétiens soit entre les musulmans.

Le parcours obligatoire c’est la fidélité à la cause.

L’esprit: de dialogue, de pardon, d’ouverture, de compréhension.

Quels sont les instruments concrets et spirituels que vous recommanderiez pour la réconciliation entre le peuple arménien et le peuple turc ? Pour la pacification ?

Notre problème n’est pas avec le peuple turc avec lequel on a vécu l’un à côté de l’autre, avec lequel on a cherché toujours le bien commun. Le problème reste avec les autorités qui ont encore la difficulté d’accepter une responsabilité.

Le 6 novembre 2014, une délégation de la paroisse arménienne de Saint-Nicolas-de-Tolentino a participé à la messe du pape François à Sainte-Marthe : est-ce que le pape a adressé des paroles à la communauté arménienne ?

Pas du tout. La messe de Sainte Marthe est une eucharistie durant la quelle le Saint-Père fait une petite méditation sur l’Evangile du jour. Moi-même j’accompagnais les fidèles. Cela me rend triste à chaque fois je lis des commentaires de la méditation quotidienne du Pape avec une lecture politique.

Que gardez-vous de cette rencontre ?

Tout d’abord, la simplicité du Saint-Père, son message courageux, direct, simple, qui entre sans aucun effort dans le coeur de l’homme en l’invitant à lire sa vie sous un nouvel angle de vue.

Ensuite, le message du Pape est, malgré sa portée dure, réconfortant, consolant et encourageant. 

Anne Kurian