Dân Chúa Âu Châu

« Avec le souhait de comprendre que vivre est partager »

Mgr Francesco Follo @ CCIC Centre Catholique International de Coopération avec l'UNESCO

« Le Christ : le grain de blé semé dans le Ciel »: c’est le titre de ce commentaire théologique et spirituel de Mgr Francesco Follo, sur les lectures de la messe de dimanche prochain, 18 mars 2018, 5e dimanche de carême (année B, Jr 31,31-34; He 5,7-9; Jn 12,20-33).

« Avec le souhait de comprendre que vivre est partager », explique l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris.

Comme lecture patristique, Mgr Follo propose un commentaire sur le Livre des Nombres, de saint Cyrille d’Alexandrie (+ 444).

Le Christ : le grain de blé semé dans le Ciel

 

 1) Voir le Christ, grain de blé.

Dans les peu de jours qui nous séparent de Pâques, où nous « verrons » le Ressuscité, nous continuons les actes que l’Eglise nous conseille pour le Carême, ce qui veut dire la prière, le jeûne et l’aumône (= miséricorde). « Le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Que personne ne les divise : les trois ne sont pas séparables. Celui qui en pratique seulement un ou deux, celui-là n’a rien. Donc, celui qui prie doit jeûner ; celui qui jeûne doit avoir pitié ; Celui qui désire être écouté quand il demande, que celui-là même écoute l’homme qui demande. Celui qui veut trouver ouvert le cœur de Dieu ne ferme pas le sien à celui qui le supplie. » (Saint Pierre Chrysologue).

De cette façon nous aussi, nous serons capables d’être humblement et vraiment “grain de blé”. Ce don de soi nous permet de voir le Messie parce qu’Il manifeste Dieu sur la Croix. En effet, à la question des Grecs (ce qui veut dire de ceux qui ne sont pas Hébreux) qui veulent voir Jésus, Il répond indirectement en disant où on peut Le voir. Il est possible de Le voir dans sa gloire. Et cette gloire consiste à être élevé sur la Croix, ceci est le lieu où l’on peut voir le Seigneur. L’accent n’est pas mis sur la mort, mais sur la vie. La Gloire de Dieu n’est pas de « mourir » mais de « porter » le bon fruit.

Le Christ montre Dieu sur la Croix, où il s’est laissé mettre à cause de Son amour pour nous. Le Fils de Dieu se détache de sa vie terrestre afin que nous recevions la Vie céleste. Jésus ne dit pas seulement qu’il le grain de blé qui meurt pour donner la vie, Il étend aussi Ses bras sur la croix. Avec ses mains clouées, et donc ouvertes dans un éternel enlacement, Jésus nous accueille tous, pauvres pêcheurs repentis, et il nous donne la vraie vie remplie d’une joie éternelle. Cette joie dérive de la certitude d’être aimés par un Dieu

qui s’est fait homme,

qui a donné sa vie pour nous et

qui a vaincu le mal et la mort.

Cette joie, c’vivre d’amour pour lui. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus écrivait : « Jésus, t’aimer c’est ma joie » (P 45, 21 janvier 1897, Oeuv. Compl., p. 708). Saint Thérèse de Calcutta, dans le sillon des paroles de Jésus « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (At 20,35), disait « la joie est un réseau d’amour pour attraper les âmes. Dieu aime celui qui donne avec joie. Et celui qui donne avec joie donne d’avantage et produit beaucoup de fruit ».

Ce fruit est le résultat du « oui » au Christ à « l’heure » Lui, le Fils de l’homme, doit être glorifié. Selon l’évangéliste Saint Jean, « l’heure » est le temps choisi par le Père pour nous donner le salut. Le Christ nous fait don du salut avec l’offrande totale de Sa vie sur la Croix. Après avoir parlé « de son heure qui est venue », le Messie ajoute « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle » Jn 12,24-25.

L’« heure » de la glorification du Christ, c’est-à-dire de son élévation sur la croix, est le moment où le Christ s’offre comme grain de blé pour être « semé dans le ciel » et apporter des fruits célestes.

Le grain “semé en terre” produit des fruits terrestres. Le Christ « semé » sur la Croix bouleverse tous le sens de notre vie. « Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle » (ibid.). Le Christ est venu parce que nous ayons la vie, et pour avoir la vie – au contraire de ce que nous pensons – il nous est nécessaire de la mettre à la disposition de Dieu, de Lui en faire le don afin que Dieu puisse la donner aux autres. La croix est le don de soi-même jusqu’au don de sa vie comme Dieu qui s’offre entièrement à nous dans le Christ, sur la Croix et par la Croix.

           2)  La Croix est le lieu où le Christ nous montre Dieu.

Si, comme les Grecs dont l’Evangile parle, nous voulons vraiment voir Jésus, nous devons regarder cet Homme sur la Croix où Il manifeste sa gloire. Il nous faut, bien évidemment, avoir des yeux purs et un cœur clair pour « voir » la gloire de Dieu dans le Christ qui meurt. La gloire de Jésus consiste en son élévation sur la Croix, celle-ci est le lieu où il est possible voir le Seigneur. Où pouvons-nous voir Dieu ? Sur la Croix. Sa gloire, dit le Messie, est celle du grain de blé. La gloire d’un grain est son fruit, et Lui, le Christ, porte vraiment du fruit en mourant en Croix.

S’il est vrai que la gloire est la plénitude de lumière, de beauté de Dieu qui se révèlent dans la beauté du créé et de créatures saintes, il est aussi vrai que « l’heure » de la Croix est le moment où Dieu se révèle dans la gloire du Fils de l’homme. Jésus l’explique à travers la métaphore du grain.

Quel est la gloire du grain de blé ? En soi, un grain de blé n’a pas beaucoup de gloire : il ne s’agit que d’un grain de blé qui n’est même pas suffisant à nourrir une personne. Toutefois, si le grain de blé tombe en terre et meurt, il porte beaucoup de fruit. La gloire du grain est de porter la vie et le fruit. Jésus enseigne que sa gloire est la Croix parce que par la Croix, Il donnera sa vie. A cette « heure » là, il donnera sa vie au Père, il se livre comme Agneau immolé et nous donne la vie en transformant la Croix d’un instrument de mort à lit de vie, comme celui d’une femme qui enfante.

Si le grain ne meurt pas, il reste seul. Il s’agit d’une loi naturelle et nécessaire. Cette loi est aussi valable pour le Fils de l’homme. C’est la loi de chacun de nous, celle de mourir, parce que l’homme est par sa nature mortel. Toutefois, la mort de Jésus sur croix est la gloire parce que sa mort n’est pas la mort mais le don de la vie. Jésus est ainsi : un grain de blé qui se consomme et fleurit ; une croix où la résurrection respire déjà.

Regardons l’exemple des vierges consacrées pour comprendre la croix, pour accueillir et vivre l’amour qu’elles manifestent

L’amour vécu de façon virginale est un amour crucifié : il ne s’agit pas d’un amour mortifié mais un amour « sacrifié ». Cela veut dire, un amour rendu sacré parce qu’il est le don total de soi-même à Dieu. L’amour vierge (virginal) est celui que le Christ pratiqua : c’est un amour crucifié. Pour aimer, Jésus est entré dans une expérience progressive d’anéantissement jusqu’à mourir sur la croix. Si nous voulons aimer en chrétiens, nous devons le savoir et suivre son exemple. Cette façon d’aimer met l’autre avant moi et l’Autre (Dieu) plus que moi. La croix est le plus grand signe de l’amour, et la virginité est la crucifixion de soi pour se donner à Dieu, pour se clouer à son amour enlaçant le Christ en Croix.

Les Vierges consacrées sont exemple significatif et haut du fait que l’amour de Dieu est « totalitaire ». En effet, il faut aimer Dieu « de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force » (cf. Mc 12,30). Ces femmes montrent que le corps et le cœur offerts de façon chaste n’éloignent pas de Dieu, ils rapprochent l’être humain à Dieu plus que les anges eux-mêmes (cf. Eph 1,14) ; elles montrent que la vie chrétienne est une progressive configuration au Christ crucifié et ressuscité. En effet, comme l’amour du Christ pour nous L’a conduit à la croix, ainsi notre amour pour Lui imprime en nous ses blessures d’amour (Ct 2,5). L’amour purifie et configure, tout en transfigurant. Mourir à soi-même dans le don de la virginité, ce n’est pas une vraie mort parce que, de la même façon où cela est arrivé pour le Christ, le don total de soi multiplie la vie.

La virginité n’est pas seulement une renonciation. La virginité dilate le cœur à la mesure du cœur du Christ et rend capable d’aimer comme Lui a aimé.

La virginité vécue comme crucifixion témoigne que l’Amour a vaincu à travers le don de soi.

La virginité vécue comme résurrection témoigne que l’Epoux est vraiment présent dans la vie de tous les jours et que sa présence condescendante donne joie, une joie pleine et accompli (cf. Jn 3,29).

« La Croix ne nous a pas été donnée pour la comprendre mais pour que nous nous accrochions à elle » (Bonhoeffer) : les vierges consacrées attirées par le Christ qui les a séduites, marchent derrière Lui, en apprenant de Lui qu’est que c’est l’amour et comment aimer Dieu et le prochain.

La consécration, sacrifice total et holocauste parfait, est la façon que l’Esprit leur suggère pour revivre le mystère du Christ crucifié, venu au monde pour donner sa vie comme rançon pour la multitude (cf. Mt 20, 28 ; Mc 10, 45), et pour répondre à son amour infini.

Lecture Patristique

saint Cyrille d’Alexandrie (+ 444)
Commentaire sur le Livre des Nombres, livre 2 (
PG 69, 619-624)

Images de la mort vivifiante du Christ
Le Christ, comme prémices de la nouvelle création, a évité la malédiction de la Loi, mais par le fait même qu’il devenait malédiction pour nous. Il a échappé aux puissances de la corruption devenant par lui-même libre parmi les morts (cf. ps 87,6). Après avoir terrassé la mort, il est ressuscité, puis il est monté vers le Père comme une offrande magnifique et resplendissante, comme les prémices, en quelque sorte, de la race humaine rénovée, incorruptible. <>

Comme dit l’Écriture: Ce n’est pas dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu’une copie du sanctuaire véritable, que le Christ est entré, mais dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu (He 9,24). Il est pain qui donne la vie et qui est venu du ciel. En s’offrant lui-même à Dieu le Père à cause de nous comme un sacrifice d’agréable odeur, il remet aux pauvres hommes leurs péchés et les délivre de leurs erreurs. Vous comprendrez bien cela en le comparant, par le regard spirituel, au jeune taureau muselé, et au bouc égorgé pour les erreurs du peuple. <> Il a donné sa vie afin d’effacer le péché du monde.

C’est pourquoi, de même que sous le pain nous voyons le Christ comme la vie et celui qui donne vie, sous le symbole du jeune taureau nous le voyons comme immolé, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur, et sous le symbole du bouc comme devenu péché pour nous (2Co 5,21) et offert pour nos péchés. On pourrait encore le considérer sous le symbole de la gerbe. Qu’est-ce que ce signe représente? Je vais le dire rapidement.

On peut comparer le genre humain aux épis d’un champ. Ils naissent de la terre, ils attendent d’avoir obtenu toute leur croissance et, au moment voulu, ils sont fauchés par la mort. C’est ainsi que le Christ disait à ses disciples: Ne dites-vous pas: Encore quatre mois et ce sera la moisson? Et moi je vous dis: Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. Dès maintenant le moissonneur reçoit son salaire: il récolte du fruit pour la vie éternelle (Jn 4,35-36).

Or le Christ est né parmi nous, il est né de la Vierge sainte comme les épis sortent de la terre. Parfois d’ailleurs il se nomme lui-même le grain de blé: Amen, Amen je vous le dis: si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit (Jn 12,24). Ainsi s’est- il offert pour nous à son Père, à la manière d’une gerbe et comme les prémices de la terre. Car l’épi de blé, comme nous-mêmes d’ailleurs, ne peut être considéré isolément. Nous le voyons dans une gerbe, formée de nombreux épis d’une seule brassée. Car le Christ Jésus est unique, mais il nous apparaît et il est réellement comme constituant une brassée, en ce sens qu’il contient en lui tous les croyants, évidemment dans une union spirituelle. Sans cela, comment saint Paul pourrait-il écrire: Avec lui il nous a ressuscites, avec lui il nous a fait régner aux cieux (Eph 2,6-7)? En effet, puisqu’il est constitué par nous, nous ne faisons qu’un seul corps avec lui (Eph 3,6) et nous avons acquis par la chair l’union avec lui. Car lui-même adresse d’ailleurs ces paroles à Dieu le Père: Je veux, Père, que, comme moi et toi ne faisons qu’un, eux aussi ne fassent qu’un avec nous (Jn 17,21).